Compte rendu du Séminaire Franco-Arabe sur l’Arbitrage des 1er et 2 décembre

Publié le par May Abdulhak

Un séminaire organisé par le Centre de Conciliation d’Arbitrage et d’Expertise de la Chambre de Commerce Franco-Arabe s’est tenu les 1er et 2 décembre 2005 à Paris  avec la participation d’une soixantaine de spécialistes venant de France et de divers  pays arabes (Liban, Syrie, Arabie Séoudite, Koweit, Algérie, Tunisie, Maroc, EAU, et autres).

 

Cette réunion s’est déroulée en présence de MM. Serge BOIDEVAIX, Président,  Pierre ROZEK, Vice Président et Dr Saleh AL TAYAR, Secrétaire Général de la  Chambre de Commerce Franco-Arabe. Elle avait notamment pour objet la présentation  du nouveau Règlement et de ses avancées dans le domaine des procédures  simplifiées et de l’expertise.

 

M. de GRANDCOURT, Président du Système Franco-Arabe d’Arbitrage a souligné que le no Règlement de Conciliation, d’Arbitrage et d’Expertise adopté le 1er janvier 2005 est dans la continuité du précédent, mais dans sa rédaction entièrement modernisée il offre aux opérateurs économiques les techniques les plus appropriées de règlement des différends qui tiennent compte des particularités des pays arabes, ainsi que les meilleures garanties de parité et de compétence au niveau de la composition et du fonctionnement de ses organes. Il a notamment souligné l’utilité de recourir à la clause d’expertise contractuelle, qui, bien souvent, si elle est diligentée à temps, permet d’écarter tout risque de dépérissement des preuves et constitue même le meilleur moyen préventif du recours à l’arbitrage, indépendamment de toute saisine du juge étatique.

 

M. le Professeur Jacques BARRAT de l’Université de Paris II  a évoqué le contexte géopolitique des relations franco-arabes, en rappelant que « sont arabes ceux qui ont l’arabe pour langue maternelle », et que cette population ne constitue que 12 à 14% du monde musulman. Bien que le monde arabe couvre un espace stratégique qui recèle 70% des réserves de pétrole, dont 35% est directement sous son contrôle, il représente cependant une zone géographique où sévissent la sécheresse et la pénurie de l’eau. A cet égard, M. BARRAT prophétise que les futurs conflits concerneront le contrôle de l’eau.

 

La politique arabe de la France qui s’inscrit dans l’histoire et la géographie est une  constante depuis le Moyen Age. L’orateur rappelle que la première chaire d’arabe a  été instituée en 1587, et que Louis XIII et Louis XIV avaient veillé à  la création  d’imprimeries en arabe.

 

Les échanges économiques avec le monde arabe qui représentent le tiers des échanges  de la France connaissent actuellement un développement spectaculaire. D’autre part, il  existe deux millions et demi de français d’origine musulmane qui vivent en France.  Ces éléments contribuent à renforcer la nécessité pour les autorités françaises de  concevoir une politique appropriée.

 

M. Alain TOVAR, directeur régional de la zone Afrique du Nord, Moyen-Orient à la COFACE, dans son intervention « Les mécanismes de l’Assurance-Crédit et l’implantation de structures analogues à la COFACE dans les pays arabes » a présenté les avantages et les principes généraux de polices d’assurance-crédit. Il  a passé en revue les différentes agences arabes d’assurance-crédit existantes en Algérie, Arabie Saoudite, Egypte, Jordanie, Liban, Maroc, Oman, Tunisie, ainsi que des agences multilatérales panarabes (ICIEC, filiale de la Banque Islamique en Arabie Saoudite, IAIGC, organisation régionale opérationnelle à Koweït depuis 1975). Il a ajouté que la plupart des assureurs crédit de ces pays sont des Agences de  Crédit à l’Export (ACE), de structure publique. Enfin, il a indiqué que la COFACE a commencé son implantation dans les pays arabes : à Dubai, elle propose notamment en partenariat avec la National General Insurance une police COFACE aux clients locaux ; elle développe en outre des projets de partenariat au Maroc, en Algérie et en Tunisie.

 

S’agissant des financements islamiques,M. Salim EL MEOUCHI, Etude Badri &  Sélim EL MEOUCHI (Beyrouth), au cours  de son intervention « Arbitrage et  Transactions islamiques », a présenté les différents préceptes de droit  fondamentaux en Islam et leur importance au regard des  transactions islamiques  actuelles, ainsi que l’intérêt croissant qui leur est réservé au sein des milieux  financiers et d’affaires. 

 

Il a ensuite abordé  la question de l’arbitrage et l’insertion souhaitable de la clause  compromissoire dans les transactions islamiques. La condition essentielle,  est selon  l’orateur,  que  les contrats qui comportent la clause compromissoire doivent être  en conformité avec la Charia. Il n’existe pas d’autorité de la chose jugée en Islam.  Il convient par conséquent de trouver les formules permettant d’assurer la conformité  de l’arbitrage international avec les préceptes religieux. L’orateur suggère à cette fin la  référence  dans la clause compromissoire à un comité d’éthique nommément désigné,  chargé de garantir aux parties et à l’arbitre la conformité des clauses contractuelles aux  principes de la Charia. La restriction qui en résulte des pouvoirs de l’arbitre qui doit  être en outre de confession musulmane a été soulignée. Ces questions paraissent  pouvoir trouver leur solution et leur fondement dans le consensus des parties sous  réserve d’un éventuel contrôle de leur conformité avec l’ordre public des pays  concernés.

 

MM. Mehdi HAROUN, Associé au Cabinet Herbert Smith (Paris) et Grégory  BENTEUX,  du Cabinet Gide, Loyrette & Nouelle sont intervenus ensuite sur les  thèmes suivants : « une réflexion sur la problématique du financement islamique en  Europe » et "financements islamiques, financements structurés et marchés  financiers".

 

Le montant des fonds investis ou disponibles pour des investissements dits islamiques  a été évalué en 2004 à 200-300 milliards de dollars, et à plus de 400 milliards de  dollars en 2005. Certains parlent même de 500 milliards. Des grands acteurs de la  finance internationale (HSBC, Citigroup, Crédit Agricole Indosuez, BNP Paribas,  UBAF ou UBS) ont été les précurseurs occidentaux de produits et montages  islamiques pour permettre aux fonds des pays du Golfe d’être investis dans diverses  activités industrielles et commerciales.

 

L’autorisation a été délivrée par les autorités britanniques le 10 août 2004 pour  permettre à la Islamic Bank of Britain (IBB) de proposer des produits islamiques aux  particuliers. L’ambition affichée d’IBB est d’élargir dans les trois ans ces services à  l’ensemble de l’Europe où vivent 15 millions de musulmans. Par conséquent cette  banque pourra valablement sur la base du passeport européen, en libre prestation de services ou par l’ouverture d’une succursale, proposer des produits financiers islamiques en France, sauf si une telle activité commerciale est jugée comme générant un risque d’incompatibilité à l’ordre public laïc et républicain.

 

Plus précisément en ce qui concerne les perspectives de développement en France, M.  Mehdi HAROUN indique qu’un certain nombre de ces mécanismes peuvent se mouler   dans   les réceptacles juridiques de droit français (notamment pour la Moudaraba,  la Moucharaka, la Mourabaha, l’Istisnaa’, l’Ijara) en tenant cependant compte de  certaines des spécificités de ce droit.

 

M.M.HAROUN termine son exposé par un appel au Centre de Conciliation,  d’Arbitrage et d’Expertise de la CCFA afin qu’il devienne l’intermédiaire idéal  pour  faire  accepter ces  financements du côté français, et faire comprendre et accepter  les principes du droit  français du côté des investisseurs. En développant cette  expertise, le Centre pourrait  donc se placer idéalement comme autorité d’arbitrage  quasi « naturelle » pour les  litiges découlant de ces opérations.

 

M. BENTEUX a traité en complément de l'insertion au sein des actuels produits de  financement structurés (immobilier, leasing, financement de projets, ...) des  techniques de financement islamique, et a souligné à cette occasion, les éléments de  parenté entre ces différentes sphères, mais également les interrogations  résultant de  la difficulté d’intégrer certains types de financement islamique dans le paysage  financier conventionnel. Des « Charia Boards » encore appelés « comités d’éthique »  interviennent  de plus en plus fréquemment avant tout investissement.

 

La journée du 1er décembre s’est clôturée par une  table ronde décrivant les  perspect de l’Arbitrage dans  certains pays arabes :

 

MM. Ali HAROUN, Ancien Ministre, historien et Avocat agrée auprès de la Cour  Suprême d’Algérie, a ouvert le cycle sous le titre  « Aperçu de la pratique de  l’arbitrage au regard du code civil algérien » et M. Abdel Rahmane CHEREF,  Avocat à la Cour Suprême a poursuivi sous le titre « Regards sur les  enseignements de la Jurisprudence algérienne », M. Yousif BOCTOR (Cabinet de  Consultations juridiques Majed GAROUB), a traité de   « Quelques aspects de  l’Arbitrage en Arabie Saoudite », M. Patrice MOUCHON, Avocat à la Cour de Paris  et spécialiste de la Mauritanie a traité des « Préceptes islamiques dans  l’Arbitrage  en Mauritanie »,  M. Frédéric WAPLER, Avocat associé au Cabinet Gide, Loyrette et  Nouelle a évoqué à son tour la difficulté que les entreprises étrangères rencontrent,  selon sa parfaite connaissance du terrain, pour faire accepter les clauses d’arbitrage  dans les pays  du Golfe dont la loi fondamentale est la Charia, et des difficultés  qu’elles rencontrent à faire exécuter les sentences rendues, qui doivent recevoir une  sorte d’exequatur selon une procédure complexe.

 

La matinée du 2 décembre était consacrée à l’étude d’un cas pratique d’arbitrage  animé par Dr Abderrahmane CHEREF, avocat de la partie demanderesse, M. Stephen  MONTRAVERS, avocat de la partie défenderesse, sous la présidence de M. le  Professeur Georges KHAIRALLAH, Arbitre unique, l’Animateur étant  le Professeur  Jean de GRANDCOURT.

 

Cette séance a notamment permis d’analyser des documents stéréotypés (requête, acte  de mission) qui avaient été distribués aux participants, de déterminer les points  principaux à résoudre, d’identifier les difficultés susceptibles d’émailler une procédure  arbitrale, enfin de rédiger l’ébauche d’une sentence arbitrale. Elle a ainsi contribué à  un complément de formation essentiellement pratique destinée aux arbitres européens  mais aussi et spécialement aux futurs arbitres arabes.

 

Je reste à votre disposition pour toute communication éventuelle.

 

 

 

May Abdulhak - CCFA

 

Tél : 01 45 53 98 43

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